De la révolution à la décennie noire...
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Présentation par l'éditeur :
"Issue d'une célèbre famille de notables algériens, qui tiendra une place importante dans la guerre de libération, Wassyla Tamzali est née dans une grande ferme coloniale au bord de la mer. Sa jeunesse ne lui a laissé que des souvenirs de bonheur et d'odeurs d'orangers. Un drame va tout changer : en 1957, son père est assassiné par une jeune recrue du FLN. Malgré cette forfaiture puis la nationalisation des propriétés familiales, la jeune femme s'enthousiasme pour la construction de l'Algérie nouvelle, dont elle épouse toutes les utopies, avant que ne tombent les illusions, dans les années du terrorisme islamique."
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Un livre absolument passionnant qui nous fait découvrir un milieu social méconnu, un peu entre deux mondes, celui des grands bourgeois algériens occidentalisés sous la colonisation...
J'ai été absolument subjugué par le récit de Wassyla Tamzali, écrit dans un style agréable, fluide et précis...
Dés les premières lignes le choc :
"Le 11 décembre 1957, tout fut emporté par le souffle puissant du meurtre. Un jour dans la longue guerre d'Algérie, le jour où mon père a été assassiné par un homme de sa ville, à 4 heures de l'après-midi. la nouvelle se propagea très vite. J'étais la seule à ne rien savoir quand, à la sortie de l'école je descendis la rue des Vieillards."
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La narratrice nous fait partager son enthousiasme du début de l'indépendance (elle avait alors 20 ans...) pour la construction d'une nouvelle Algérie, puis les désillusions qui ont suivi jusqu'à la guerre civile des années 90, les années noires...
Néanmoins, à la fin de son récit, elle veut garder l'espoir d'une instauration de la démocratie dans son pays :
"Cet attachement exclusif à l’Algérie, ni les avanies, ni les échecs, ni les erreurs ne l’ont atteint. Après la fin des années de la fraternité, après le fracas des apparences brisées en mille morceaux, je demeure au plus près du cyclone, et je ne peux me résoudre à dire que c’est la fin."
Espérons que les manifestations qui se déroulent , chaque vendredi, depuis plus d'un an, lui donneront, un jour, raison...
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Quelques extraits :
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"J'admirais Camus comme on est capable de le faire quand on a 18 ans et que les mots de papier brûlent aussi sûrement que ceux de la vie."
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"Albert Camus, libéré des dieux et des hommes, tendre fils, révolté par le silence du monde, dont l'ombre bienveillante se pose sur ceux qui se sentent étrangers dans leur propre patrie."
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"Rien ne peut altérer la séduction d'Alger. Que de fois, hier encore, j'ai accompagné des visiteurs éblouis par la ville, par ses rampes caressées amoureusement par les architectes du monde entier, les toits en gradins descendant vers la mer de la Casbah, que Le Corbusier aima et imita."
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"Quand nous rentrions à la maison après les meetings pour la libération des peuples opprimés, nous, le peuple des femmes, retrouvions nos oppresseurs familiers et bien-aimés, nos pères, nos frères et, le matin, à l'université, au bureau, nos oppresseurs patentés, les petits fonctionnaires socialistes tristes et moralistes qui tenaient les affaires courantes du pays."
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"...Ils sont part, provisoirement ont-ils dit, pour fuir les menaces islamistes. Il ne sont pas revenus. Ils ont grossi le flux des diasporas qui n'a cessé de traverser la Méditerranée...
Je suis partie aussi."
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"Le mépris pour les femmes avait été la forfaiture la plus lourde commise par les "révolutionnaires algériens", mes amis. Dans ces moments de chagrin, je sentais monter en moi le chant douloureux des femmes de mon pays, mes sœurs dans l'adversité : soumission, mépris, discriminations, ségrégations, polygamie, exclusion économique, violences conjugales et publiques...étaient leurs récompenses pour s'être battues avec tant d'humilité..."
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"Les Algériens de la jeune génération nous regardent comme des rêveurs inutiles, des anciens combattants qui n'ont rien compris à la guerre qu'ils ont faite. Certains d'entre eux nous rendraient même responsables de la faillite générale : Vous pouviez faire des choses, vous ne les avez pas faites. Nous, nous ne pouvons plus rien. Il nous faut accepter le pays comme il est, ou partir..."
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Wassyla Tamzali
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Née en 1941 à Bejaïa (Algérie)
Ecrivaine, avocate, militante féministe
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Voir Wikipedia
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