dimanche 21 juin 2020

CORRESPONDANCE (1944-1959) - Albert CAMUS & Maria CASARES - Gallimard Folio n°6731

Un monument !
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Présentation de l'éditeur (4ème de couverture) :


"Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n’étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J’ai mieux respiré, j’ai détesté moins de choses, j’ai admiré librement ce qui méritait de l’être. Avant toi, hors de toi, je n’adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n’a jamais été qu’une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j’ai accepté plus de choses. J’ai appris à vivre. C’est pour cela sans doute qu’il s’est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense." 



 Pendant quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent des lettres où jaillit toute l'intensité de leur amour. Entre la déchirure des séparations et les élans créateurs, cette correspondance met en lumière l'intimité de deux monstres sacrés au sommet de leur art.
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On ne peut que remercier Catherine Camus d'avoir fait publier, en 2017, aux éditions Gallimard la volumineuse correspondance (865 lettres) échangée entre son père et Maria Casarès :


"Merci à eux deux. Leurs lettres font que la Terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger, simplement parce qu'ils ont existé."
(Catherine Camus)
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Le genre de livre qu'on ne lit évidemment pas d'une seule traite mais que l'on garde à portée de main afin de le déguster avec un infini bonheur entre d'autres lectures.
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A notre époque de courrier électronique avec ses textes brefs et sans âme (sms, mails etc..) c'est un privilège de savourer cette sublime correspondance...
Bien sûr on y retrouve la force du style de Camus  mais l'on découvre aussi la qualité de l'écriture spontanée et enthousiaste de Casarès.
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Correspondance qui témoigne de l'incroyable passion amoureuse que Camus et Casarès ont partagée pendant des années. 
Cet échange de lettres, commencé en 1944, s'est arrêté avec la mort de l'écrivain dans un accident de voiture en janvier 1960...
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Au-delà de la relation de cette histoire d'amour, ces lettres nous décrivent un aspect fascinant de la vie culturelle de l'époque, principalement dans le domaine du théatre.
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Avec Serge Reggiani (pour "Etat de siège"-1948)...
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et Jean-Louis Barrault (pour "Les Justes"-1949)...


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Quelques extraits :
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"Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l’un à l’autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pur, te rends-tu compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné ?"
(Maria Casarès, 4 juin 1950)

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"Également lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter, assez forts pour vivre sans illusions, et liés l’un à l’autre, par les liens de la terre, ceux de l’intelligence, du cœur et de la chair, rien ne peut, je le sais, nous surprendre, ni nous séparer."
(Albert Camus, 23 février 1950)

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"La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. Lorsque cette pensée s'empare de moi avec assez d'acuité pour me faire vivre, par exemple, un matin, avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total, je me sens une terrible envie de vomir, et des sons de folie se font entendre partout en moi."
(Maria Casarès, 15 septembre 1949)

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"Tout à l'heure, la nuit était pleine d'étoiles filantes. Comme tu m'as rendu superstitieux, je leur ai accroché quelques voeux qui ont disparu derrière elles. Qu'ils retombent en pluie sur ton beau visage, là-bas, si seulement tu lèves les yeux vers le ciel, cette nuit. Qu'ils te disent le feu, le froid, les flèches, l'amour, pour que tu restes toute droite, immobile, figée jusqu'à mon retour, endormie toute entière, sauf au coeur, et je te réveillerai une fois de plus..."
(Albert Camus, 31 juillet 1948)


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"Mais quoi qu'il arrive, n'oublie pas qu'il y aura toujours un être au monde vers lequel, à tout moment, tu pourras te retourner ou venir. Je t'ai donné un jour, du fond du cœur, tout ce que je possède et tout ce que je suis. Tu le garderas jusqu'à ce que je quitte ce monde bizarre qui commence à me fatiguer. Mon espoir est seulement que tu apercevras un jour à quel point je t'ai aimée. "

(Albert Camus, Octobre 1944)

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"Ce soir, j'ai failli quitter la scène pour offrir à un monsieur de premier rang des pastilles Valda, un mouchoir pour étouffer sa toux ou bien deux places pour revenir une autre fois, quand il irait mieux. Je me suis retenue."
(Maria Casarès, 7 janvier 1950.)

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"Ô quelle joie hier. J'ai reçu ta lettre en rentrant le soir. (...) Et voici une écriture formée, serrée, menée d'un bout à l'autre de l'enveloppe, avec un petit air décidé. Mon coeur a sauté. Seul dans ce petit bureau silencieux avec tous les bruits de la nuit qui entraient par la fenêtre, j'ai dévoré ces pages. Quelques fois mon coeur s'arrêtait. D'autres fois il courait avec le tien, battant avec le même sang, la même chaleur, la même joie profonde." 

(Albert Camus,   12 août 1948)

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Maria Casarès (1922-1996)
Une des plus grandes comédiennes du 20° siècle.
Voir wikipedia
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Je me souviens de Maria Casarès dans 
"Les dames du bois de Boulogne" (Bresson - 1945),
"Orphée" (Cocteau - 1950).

Mais elle était avant tout viscéralement attachée au théatre :


« Tout est éphémère. C'est pourquoi j'aime le théâtre et pas le cinéma. C'est ici et maintenant et c'est là que tout s'achève. Ce n'est pas un jeu, mais c'en est un cependant. C'est la meilleure représentation de la vie. »

 Je me souviens d'elle notamment dans "Macbeth" (TNP Jean Vilar)
 et plus encore de son incroyable prestation dans le rôle du "Roi Lear" (théatre de Gennevilliers Bernard Sobel) :

"Jouer un homme, et après? L'important, chez Lear, c'est son humanité. Celle d'un père, d'un monarque, soudain pris du désir de renoncer à l'autorité. Son premier geste de folie."
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A découvrir son autobiographie
(Fayard - 1980)
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"Depuis que j'ai quitté l'Espagne en 1936, j'ai toujours vécu en état d'urgence" 

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mardi 16 juin 2020

EXPIATION (2001) - Ian McEWAN - Angleterre - Gallimard Folio n°4158

Un homme en prison à cause du mensonge d'une enfant...
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Présentation par l'éditeur :


"Sous la canicule qui frappe l'Angleterre en ce mois d'août 1935, la jeune Briony a trouvé sa vocation : elle sera romancière. Du haut de ses treize ans, elle voit dans le roman un moyen de déchiffrer le monde. Mais lorsqu'elle surprend sa grande sœur Cecilia avec Robbie, fils de domestique, sa réaction naïve aux désirs des adultes va provoquer une tragédie. Trois vies basculent et divergent, pour se recroiser cinq ans plus tard, dans le chaos de la guerre, entre la déroute de Dunkerque et les prémices du Blitz. Mais est-il encore temps d'expier un crime d'enfance ?



Un roman dans la grande tradition romanesque, où Ian McEwan, tout en s'interrogeant sur les pouvoirs et les limites de la fiction, restitue, avec une égale maîtrise, les frémissements d'une conscience et les rapports de classes, la splendeur indifférente de la nature et les tourments d'une Histoire aveugle aux individus." 

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Découverte tardive de Ian McEwan !
Comment une enfant à l'imagination passionnée va ruiner plusieurs vies.
Roman sur le mensonge, le regret, la culpabilité...
mais aussi un tableau d'une certaine société anglaise au milieu des années 30.
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Un véritable coup de cœur pour
Expiation

que j'ai trouvé, en tous points, remarquable :
solide "construction" du roman, fluidité de son écriture (excellente traduction de Guillemette Belleteste) , force de la dramaturgie, psychologie fouillée des personnages.

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Quelques courts extraits :
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"Enfant, Turner avait essayé une fois de se persuader qu'éviter les joints du trottoir devant la cour de récréation de son école, pour empêcher sa mère de mourir subitement, était une bêtise. Mais il n'avait jamais marché dessus et elle n'était pas morte."
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"On ne comprend presque jamais que ce que les enfants désirent avant tout, c'est qu'on les laisse tranquilles."

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"En cet instant qui s'étiolait, il découvrit qu'il n'avait jamais éprouvé de haine envers quiconque jusqu'ici. C'était un sentiment aussi pur que l'amour, mais exempt de passion et d'une rationalité glacée."
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"Comment un écrivain peut-il se racheter, alors que, doué du pouvoir absolu de décider de la fin, il est également Dieu ? Il n'a personne, ni entité ni forme supérieure à qui en appeler, avec qui se réconcilier ou qui puisse lui pardonner. Il n'existe rien en dehors de lui."
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"A quel point la culpabilité raffinait-elle les façons de se torturer, enfilant les perles du détail en une boucle sans fin, un chapelet à égrener pour la vie !"
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"Et bien qu'elle en fût horrifiée, ce fut une nouvelle découverte, un moment qui prenait vie, une autre première que d'inspirer de la haine à un adulte. Les enfants haïssaient en abondance, par caprice. Cela n'avait guère d'importance. Mais incarner l'objet d'une haine adulte constituait une initiation à un univers solennel, neuf. C'était une promotion."

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Le roman a été adapté au cinéma par Joe Wright ;
Reviens-Moi (2007)
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Ian McEwan
né en 1948
Romancier, Scénariste
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Voir -----) wikipedia

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lundi 1 juin 2020

MANIERE DE VOIR N° 171 - MUSIQUE & POLITIQUE - Monde Diplomatique

Musique et Politique : Curieux rapprochement !
et pourtant...
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Présentation du numéro :

"De l’opéra au rap, de la chanson à texte à la techno sans mots, la musique se trouve souvent liée à des combats collectifs auxquels elle donne leur hymne. Il arrive également qu’aux luttes, elle préfère l’émotion, le plaisir ou la danse. Mais en faisant tanguer nos corps, elle attise nos rêves… et le désir de les voir se concrétiser." 

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Extrait de l'éditorial "Garder le banjo" de Renaud Lambert et Evelyne Pieiller :


"Une mélodie n’a jamais suffi à transformer le monde, mais on l’a rarement bousculé sans chanter, taper sur un tambour ou emboucher un cuivre. Pour le meilleur et pour le pire ; dans les guerres et dans les manifestations ; dans les usines occupées et dans les rassemblements des sectes. Troublant pouvoir d’un art qui — jeu de notes, élaboration de rythmes, architecture de sons, enchevêtrement de tensions et de libérations — semble pourtant dépourvu de liens avec des objectifs concrets. Mais la musique incarne peut-être l’une des dimensions les plus précieuses de l’humanité : la capacité de faire résonner les rêves et les silences… pour rien. Pour ce luxe propre à tous les humains qu’est la mise en forme de ses émotions. Pour le plaisir et le partage."

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28 articles dont :

Modeler la ville à travers les sons  ///// Juliette Volcler



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Le beau Danube noir ///// Evelyne Pieiller










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Diabolique Triton ///// Renaud Lambert



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Rubriques diverses :
Chronologie, cartographie, chiffres-clés, citations…

Nombreuses illustrations de
Geneviève Gauckler

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