jeudi 26 janvier 2023

MANIERE DE VOIR N° 187 - LES CAMPAGNES - Le Monde Diplomatique

 Présentation du numéro : Passionnant à lire mais....Inquiétant !

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"De fictions ou de villégiature, de misère ou de tragédie, la campagne reste souvent un décor. Ce Manière de voir s'intéresse à son envers. L'exode rural et l'exil urbain, une agriculture sans agriculteurs, des usines à colis. Et le renouveau d'une longue histoire politique, de la guerre des forêts en Angleterre à l'encerclement des villes chinoises, du Midi rouge aux « gilets jaunes »."

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L'envers d'un décor (éditorial de Grégory Rzepski)
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"Ce serait « la pire vague de l’histoire ». En quinze ans, 250 000 agriculteurs indiens ont mis fin à leurs jours. Nous sommes en 2011. Les dépêches de presse le répètent  : « Toutes les trente minutes un paysan se suicide. » En cause, les emprunts que ceux-ci auraient souscrits pour recourir à leur tour aux organismes génétiquement modifiés (OGM). Nombre de victimes étaient pourtant peu endettées et le taux de suicide des travailleurs de la terre demeurait inférieur à celui des autres. Des travaux allaient montrer que l’explication résidait ailleurs  : faute de pouvoir concilier les valeurs de la tradition et celles de la modernité, de plus en plus d’Indiens, ruraux mais aussi citadins, se donnaient la mort .

Dans des États à l’agriculture industrialisée, en revanche, il est exact que les paysans se suicident davantage que les autres. Le film Au nom de la terre (2019, deux millions d’entrées en salle en France) a sensibilisé un large public à ce problème social. Mais, comme il est souvent de règle avec le cinéma, il a également contribué à sa reformulation à partir de destins personnels. Or le sur-suicide des agriculteurs français s’observe depuis près de soixante ans, avec un risque deux fois et demie plus élevé pour un petit éleveur que pour un grand céréalier .

La campagne. Un décor de misères ou de tragédies, de fictions ou de villégiatures, le remords d’ignorer ce que l’on mange, le regret des hirondelles qui faisaient le printemps… Dorénavant, la majorité de la population mondiale habite en ville, neuf Français sur dix dans une aire urbaine. Quand la presse ou la télé-réalité s’intéresse aux espaces ruraux, c’est pour évoquer les agriculteurs. Or, même là, ils représentent moins de 10 % des actifs — et les ouvriers presque un tiers.

Cette diversification des catégories sociales, mais aussi des fonctions et des usages de la campagne, multiplie les occasions de conflits. On ne se bat pas seulement contre l’accaparement de l’eau et du sol, la réintroduction de l’ours, le retour des loups. On s’oppose aussi à la fermeture définitive de l’usine GM&S à La Souterraine (Creuse), ou à l’implantation d’une mine d’or dans les environs du village roumain de Rosia Montana.

Les tensions suggèrent parfois de lointaines résonances. En 1723, le Black Act, soucieux d’asseoir la propriété privée, punissait de mort le ramassage de bois ou de tourbe dans les forêts royales d’Angleterre. Aujourd’hui, alors que les prix de l’énergie flambent, les autorités allemandes tentent à leur tour d’enrayer le pillage des petites forêts. Et Dublin voudrait protéger les tourbières du Donegal, le comté le moins riche d’Irlande, où on se chauffe encore au turf bon marché.

Mais la campagne se bat aussi, et se bat autrement, parce qu’elle change. Parce que le marché expulse les travailleurs pauvres du centre de l’agglomération bordelaise vers le Médoc. Parce que dans les cantons dépeuplés du Grand Est, d’autres persistent à vouloir rester « contre le cours des choses et souvent dans une nostalgie d’une époque moins morose », quand « il n’y avait pas de problème de prix de l’essence », quand « tout était à portée de vélo, y compris l’usine, l’épicerie et les services publics aujourd’hui démantelés … »

En Haute-Marne comme dans le Sud-Ouest, le port d’un gilet jaune a suggéré que la longue histoire de politisation des campagnes pouvait reprendre. Sans débouché pour l’instant. De l’autre côté des Pyrénées, La España Vaciada  (l’Espagne vidée) entend représenter les zones rurales aux élections législatives de cette année. Les sondages promettent de bons résultats à cette plateforme qui réunit, autour de la promotion des circuits courts ou de l’amélioration des transports publics, des défenseurs de la tradition et des néoruraux écologistes. L’avenir d’une telle alliance, a priori insolite, est d’autant moins écrit que la campagne désigne aussi un conflit d’imaginaires. Face à celui, réactionnaire, du « terroir » ou à celui, libéral, des « territoires »  (et de leur mise concurrence), une gauche à l’ancrage de plus en plus citadin peine encore à façonner le sien."

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26 articles sont répartis en trois grandes sections :

-1. Des champs, des forêts, des entrepôts

"Avec 3 400 milliards de dollars de valeur ajoutée globale en 2018, l'agriculture est, d'abord, un secteur économique. Spécialisation des cultures au Sud, concentration des exploitations au Nord, course au rendement partout : elle aussi a subi la mondialisation. Comme l'industrie, notamment les délocalisations d'usines qui ont contribué au déclin de nombreuses campagnes. Dans les mêmes espaces ruraux, d'immenses zones logistiques poussent dorénavant comme des champignons. En particulier depuis la crise sanitaire."
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-2. Rester peut-être

« Ils quittent un à un le pays / Pour s'en aller gagner leur vie / Loin de la terre où ils sont nés », chantait Jean Ferrat en 1964. Dans les espaces ruraux, en France et ailleurs, il y a ceux qui partent, ceux qui restent (ou qui essayent). Et puis ceux qui débarquent : pour vivre une utopie collective ou pour attendre la fin du monde ; parce qu'ils rêvent d'espace et de nature ou parce qu'ils n'ont plus les moyens d'habiter dans les métropoles. Est-il besoin de préciser que tous ne rejoignent pas les mêmes campagnes ?
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-3. Battre la campagne

De braves gens peu portés vers la politique, du côté de l'ordre et de la tradition. La ville suppose les villages dociles. Elle voudrait les territoires neutres, la terre sincère, les coins tranquilles. C'est ignorer l'histoire des luttes paysannes. C'est nier aux « bonnets rouges » bretons ou aux « gilets jaunes » d'Ardèche, et d'ailleurs, la qualité de sujets politiques. Les campagnes restent les théâtres de conflits, de classes et de visions du monde, pour les sols, l'eau, la qualité de l'air ou des services publics.


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Le numéro abondamment illustré comporte, outre les articles de fond, de nombreuses rubriques : chiffres-clés, citations, etc...
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