vendredi 24 août 2018

LE TESTAMENT FRANCAIS (1995) - Andreï MAKINE - France - Folio n°2934

Découverte (bien) tardive de ce magnifique et inoubliable roman...
Prix Goncourt 1995,
Prix Médicis 1995,
Goncourt des Lycéens,
 Ecrit par
"Un drôle de Russe qui se mettait à écrire en français"
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Présentation par l'éditeur :


"Ce roman, superbement composé, a l'originalité de nous offrir de la France une vision mythique et lointaine, à travers les nombreux récits que Charlotte Lemonnier, «égarée dans l'immensité neigeuse de la Russie», raconte à son petit-fils et confident. Cette France, qu'explore à son tour le narrateur, apparaît comme un regard neuf et pénétrant sur le monde."
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Charlotte, émigrée en Sibérie, transmet la langue française à son petit-fils Aliocha et lui raconte le Paris et la France de son enfance...
A travers la langue et les récits de sa grand-mère Aliocha va s'imprégner de culture française et rêver d'une France qu'il découvrira plus tard, dans sa réalité, à l'âge adulte...
Outre l'évocation de l'émouvante et très forte relation qui s'établit entre Charlotte et le narrateur, le livre est aussi un vaste tableau souvent tragique, voire insoutenable, de la vie des populations sous l'ère soviétique...
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EXTRAITS


"C'était un pays livresque par essence, un pays composé de mots, dont les fleuves ruisselaient comme des strophes, dont les femmes pleuraient en alexandrins et les hommes s'affrontaient en sirvantès [...] La France se confondait pour nous avec sa littérature. Et la vraie littérature était cette magie dont un mot, une strophe, un verset nous transportaient dans un éternel instant de beauté." 
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"... Elle palpitait en nous,telle une greffe fabuleuse dans nos coeurs, couverte déjà de feuilles et de fleurs, portant en elle le fruit de toute une civilisation.Oui, cette greffe, le français."
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"Neuilly-sur-Seine était composée d'une douzaine de maisons en rondins. De vraies isbas avec des toits recouverts de minces lattes argentées par les intempéries d'hiver, avec des fenêtres dans des cadres en bois joliment ciselés, des haies sur lesquelles séchait le linge. Les jeunes femmes portaient sur une palanche des seaux pleins qui laissaient tomber quelques gouttes sur la poussière de la grand-rue. Les hommes chargeaient de lourds sacs de blé sur une télègue. Un troupeau, dans une lenteur paresseuse, coulait vers l'étable. Nous entendions le son sourd des clochettes, le chant enroué d'un coq. La senteur agréable d'un feu de bois -l'odeur du dîner tout proche- planait dans l'air.

Car notre grand-mère nous avait bien dit, un jour, en parlant de sa ville natale :
-Oh ! Neuilly, à l'époque, était un simple village...
Elle l'avait dit en français, mais nous, nous ne connaissions que les villages russes."

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"Oui, j'étais Russe. Je comprenais maintenant, de façon encore confuse, ce que cela voulait dire. Porter dans son âme tous ces êtres défigurés par la douleur, ces villages carbonisés, ces lacs glacés remplis de cadavres nus. Connaître la résignation d'un troupeau humain violé par un satrape. Et l'horreur de se sentir participer à ce crime. Et le désir enragé de rejouer toutes ces histoires passées - pour en extirper la souffrance, l'injustice, la mort (...).Refaire l'Histoire. Purifier le monde. Traquer le mal. Donner refuge à tous ces gens dans son coeur pour pouvoir les relâcher un jour dans un monde libéré du mal. Mais en attendant, partager la douleur qui les atteint. Se détester pour chaque défaillance. Pousser cet engagement jusqu'au délire, jusqu'à l'évanouissement. Vivre très quotidiennement au bord du gouffre. Oui, c'est ça la Russie."
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"Dans le calme social parfait de notre patrie, ces Français avaient la mine de mutins-nés, de contestataires par conviction, de râleurs professionnels. La valise sibérienne contenant les journaux qui parlaient des grèves, des attentats, des combats sur les barricades ressemblait, elle aussi, à une grosse bombe au milieu de la somnolence paisible de Saranza."
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"Avec stupeur, je découvris que parler était, en fait, la meilleure façon de taire l'essentiel."

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De sa Sibérie natale au quai de Conti...
Andreï Makine est né en 1957
Naturalisé français en 1996
Entre à l'Académie Française en 2016...
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Voir Wikipedia

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3 commentaires:

  1. J'ai lu deux bouquins de Makine : "Confession d'un porte-drapeau déchu" et "Le crime d'Olga Arbelina". C'est quelqu'un dont j'apprécie beaucoup l'écriture.Je ne connais pas "Le testament français". Faudra que je me l'achète. Oy qu'on me l'achète. Certains ont oublié mon anniversaire !!! Bonne fon de dimanche. Florentin

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  2. Ah, voila encore une découverte pour moi, grâce à tes lectures riches et nombreuses!
    Je ne connais pas et je sens que je vais me précipiter chez mon libraire favori!
    Merci pour cette belle recension,
    Amitié

    JPS

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  3. En réponse à ton com. Pas fou, j'ai écrit mon poème sur mon site hier soir. Je savais que je ne me lèverais pas à l'aube ce latin ! PS ! Je regarde du foot à la télé, j'aurai mon compte d'exercice physique pour la journée ! Florentin

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