mardi 3 janvier 2017

L'ÎLE D'ARTURO (1957 - Prix Strega) - Elsa MORANTE - Italie - Folio n° 1076 (traduction de Michel Arnaud)

Je garde de Procida, petite île du Golfe de Naples à quelques encablures d'Ischia, un souvenir ébloui...

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C'est à Procida que se déroule une partie de Graziella, le très émouvant (et seul...) roman écrit par Lamartine (1852)
C'est également à Procida qu'Elsa Morante a situé l'histoire de l'île d'Arturo...
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J'avais gardé un merveilleux souvenir de la lecture de ce livre découvert dans les années 60...
Après tant d'années j'ai voulu me replonger, avec quelque appréhension tout de même, dans l'atmosphère de ce roman que j'avais tant aimé et que je croyais très court, alors qu'il compte 600 pages...
Cette seconde lecture a été tout aussi bouleversante que la première : j'ai retrouvé avec bonheur tout le talent de l'auteur à rendre ses personnages fascinants et à peindre de manière poétique toute la beauté et le charme de la petite île.
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Arturo grandit presque seul dans Procida : il n'a pas connu sa mère morte à sa naissance ; son père qu'il vénère comme un dieu est souvent absent pour de mystérieux voyages...
Arturo va se trouver confronté au passage douloureux de l'enfance à l'adolescence...
Devenu jeune adulte, désenchanté, il préfèrera quitter l'île qu'il aime tant :
"Ecoute. Je n'ai pas envie de voir Procida s'éloigner, s'estomper et devenir une chose grise...Je préfère faire comme si mon île n'avait jamais existé. Aussi, jusqu'au moment où l'on ne verra plus rien, il vaut mieux que je ne regarde pas..."
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AUTRES EXTRAITS :
 
"L'une de mes premières fiertés avait été mon prénom. Je n'avais pas été long à savoir qu'Arturo est une étoile : la lumière la plus rapide et la plus radieuse de la constellation du Bouvier, dans le ciel boréal !"
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"Les îles de notre archipel, là-bas, sur la mer napolitaine, sont toutes belles.
Leur sol est en grande partie d'origine volcanique, et, plus particulièrement dans le voisinage des anciens cratères, il y pousse des milliers de fleurs spontanées dont je n'ai jamais retrouvé les pareilles sur le continent. Au printemps, les collines se couvrent de genêts: lorsqu'on est en mer au mois de juin, on distingue leur odeur sauvage et caressante aussitôt que l'on approche de l'un de nos ports."
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"Mon île  aux petites rues solitaires enfermées entre des murs antiques, au-delà desquels s’étendent des vergers et des vignes qui semblent des jardins impériaux."
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"Ma maison n'est pas très loin d'une petite place presque citadine... et des habitations groupées du village. Mais, dans ma mémoire, elle est devenue un lieu isolé, autour duquel la solitude crée un espace énorme. Elle est là, maléfique et merveilleuse, telle une araignée d'or qui aurait tissé sa toile iridescente au-dessus de l'île toute entière."
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"Sans les femmes , l’existence serait une jeunesse éternelle ; un jardin ! On serait beau, libre et insouciant et s’aimer voudrait dire seulement : se révéler l’un à l’autre toute la beauté qu’on a . L’amour serait un ravissement désintéressé , une gloire parfaite , comme se regarder dans le miroir ; il serait…une cruauté naturelle et sans remords , comme une chasse merveilleuse dans un bois royal. Le véritable amour est ainsi : il n’a aucun but et aucune raison et ne se soumet à aucun pouvoir qui n’est pas la grâce humaine. L’amour des femmes, au contraire, est un esclave du destin qui travaille pour perpétuer la mort et la honte."
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"...Et ce qui m’était insupportable, c’était l’idée de m’en aller sans avoir d’abord revu mon père, au moins une fois encore..... mais à peine prenais-je la décision de fuir Procida qu’aussitôt son souvenir à lui envahissait l’île tout entière, telle une multitude insidieuse et fascinante. Je le retrouvais dans la saveur de l’eau de mer, des fruits ; le cri d’un hibou, d’une mouette qui passait et j’avais l’impression que c’était lui qui appelait : « Eh ! Moricaud ! » Le vent d’automne projetait sur moi des embruns ou des bouffées de sable; et j’avais l’impression que c’était lui qui me provoquait en jouant. Parfois, quand je descendais à la plage, il me semblait avoir derrière moi une ombre qui me suivait ; et je laissais courir mon imagination, comme charmé : c’est un détective privé qui suit mes pas pour son compte à lui. Là-dessus, au milieu de ces illusions étranges, il m’arrivait plus que jamais de le haïr, car , tel un envahisseur, il s’emparait ainsi de mon île ; mais pourtant je savais que mon île ne m’eut pas plu autant si elle n’avait pas été sienne, inséparable de sa personne…"
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Elsa Morante
(1912-1985)
Romancière & Poétesse
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Alberto Moravia a partagé sa vie de 1941 à 1962...

Il louait notamment sa
"capacité extraordinaire à allier une atmosphère fantastique, magique, irrationnelle, à une très grande pénétration psychologique."
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Dans sa bibliographie :
Mensonge et Sortilège (1948 - Prix Viareggio)
Le Châle andalou (1963)
La Storia (1974)
Aracoeli (1982 - Prix Médicis Etranger)
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Adaptations cinématographiques :
L'île d'Arturo (Damiano Damiani - 1962)
La Storia (Luigi Comencini - 1986)
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2 commentaires:

  1. Les extraits que tu cite donnent envie de découvrir ce livre, de même que Procida que je ne connais pas et que j'inscris de ce pas sur la "Travel list". J'avais bien aimé La Storia, même si c'est très triste.

    Excellente journée

    JF

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  2. J'imagine que ce doit être intéressant de reconnaître dans un roman des lieux que l'on a fréquentés et aimés. En dehors de l'intérêt universel que peut susciter le livre. Je ne connaissais pas cet auteur, sinon de nom, ce qui n'est pas grand-chose ! PS : Sur ton conseil, je me suis fait payer à Noël deux romans de James Lee Burke. Je ne les ai pas commencés. Je suis plongé, pour l'heure, dans "Chanson douce", le Goncourt. On dirait du Simenon, quand il écrivait des romans d'atmosphère...

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