mercredi 11 avril 2018

MORT A CREDIT (1936) - Louis-Ferdinand CELINE - France - Folio n°1692

Louis-Ferdinand Céline


Il faut évidemment oublier l'homme et sa réputation sulfureuse (son antisémitisme, son soutien à l'Allemagne nazie,...),
Mais il n'est pas interdit de s'intéresser à l'écrivain, l'auteur français le plus traduit dans le monde après Proust !
-
-
Paru en 1936, a été beaucoup moins bien accueilli que "Le Voyage de la nuit", publié en 1932 et qui connut un succès immédiat...
-
Ce second roman (de plus de 600 pages) évoque avec brio, dans un style étonnant, l'enfance et la jeunesse de Ferdinand Bardamu, le double littéraire de Céline...
Il ne s'agit pas vraiment d'une autobiographie : l'auteur semble bien avoir repris quelques épisodes de sa vie mais en les adaptant et en les dramatisant quelquefois à l'excès...
Quoiqu'il en soit, on se trouve subjugué, tout au long de la lecture, par un tourbillon d'aventures et une étonnante galerie de personnages...
L'ouvrage est à la fois pittoresque, haletant, tragique, profond, drôle, burlesque, voire ordurier...
L'émotion n'est pas absente : elle affleure souvent, mais de manière voilée.
On retrouve le style si particulier de l'auteur, une habile combinaison entre le langage parlé (voire même de l'argot) et la création littéraire : 

 « Ce qui m'intéresse chez lui, c'est surtout l'usage très judicieux, efficace qu'il fait de cette langue entièrement artificielle — entièrement littéraire — qu'il a tirée de la langue parlée. » (Julien Gracq)

---
-
QUELQUES EXTRAITS
-
"Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde."

-
"Ah ! c'est bien terrible quand même… on a beau être jeune quand on s'aperçoit pour le premier coup… comme on perd des gens sur la route… des potes qu'on reverra plus… plus jamais… qu'ils ont disparu comme des songes… que c'est terminé… évanoui… qu'on s'en ira soi-même se perdre aussi… un jour très loin encore… mais forcément… dans tout l'atroce torrent des choses, des gens… des jours… des formes qui passent… qui s'arrêtent jamais… "
-
"Ce que je voulais c'était partir et le plus tôt possible et plus entendre personne causer. L'essentiel, c'est pas de savoir si on a tort ou raison. Ça n'a vraiment pas d'importance… Ce qu'il faut c'est décourager le monde qu'il s'occupe de vous… Le reste c'est du vice."
-

"Elle [ma mère] a tout fait pour que je vive, c'est naître qu'il aurait pas fallu."

-

"Ma mère, c'est pas une ouvrière...Elle se répète, c'est sa prière...C'est une petite commerçante...On a crevé dans notre famille pour l'honneur du petit commerce...On n'est pas nous des ouvriers ivrognes et plein de dettes...Ah !non. Pas du tout!... Il faut pas confondre !...Trois vies, la mienne, la sienne, et puis surtout celle à mon père ont fondu dans les sacrifices...On ne sait pas ce qu'elles sont devenues...Elles ont payé toutes les dettes..."
-

"Il avait le sens du désordre...il plaignait tous ceux qui ne l'avaient pas."
-
"Dans la journée c'était pas drôle. C'était rare que je pleure pas une bonne partie de l'après-midi. Je prenais plus de gifles que de sourires, au magasin. Je demandais pardon à propos de n'importe quoi, j'ai demandé pardon pour tout."
-
"Dans la cour, y avait rien qu'un arbre, et sur la branche, il est venu qu'un seul oiseau. Ils l'ont descendu, les moutards, à coups de pierre et d'arbalète. Le chat l'à bouffé pendant toute une récréation."

-


"C'est toujours ainsi les voyeurs...ça se régale d'abord à plein tube...ça en perd pas un atome et puis quand la fête et finie...alors ça s'indigne !"

-
"C'est bien agréable une langue dont on ne comprend rien... C'est comme un brouillard aussi qui vadrouille dans les idées... C'est bon, y a pas meilleur... C'est admirable tant que les mots ne sortent pas du rêve..."
-


"C'était un chien trop craintif. Il avait reçu des coups trop durs. La rue c'est méchant. le lendemain en ouvrant la fenêtre, il a même pas voulu attendre, il a bondi à l'extérieur, il avait peu de nous aussi. Il a cru qu'on l'avait puni. Il comprenait rien aux choses. C'est trerrible dans ces cas-là."
-

"On se fatigue de tout sauf de dormir et de rêvasser."
-

"Ah ! C'est pas drôle Ferdinand !...c'est pas drôle!...Je ne dis pas la vie Ferdinand mais le Temps!...La vie c'est nous, ça n'est rien...Le Temps ! c'est tout !"
-
---
-
Louis-Ferdinand Céline
(1894-1961)
-

Voir sur ce blog "Voyage au bout de la nuit" --) ICI

***
*

3 commentaires:

  1. J'ai aussi lu Céline. Il y a longtemps. A une époque où il était important qu'on le lise. J'ai bien entendu été fort intéressé par l'argument de ses livres, mais je me souviens évoir été un peu rebuté par la trop grande longueur de ses ouvrages, leur désordre et leur style, trop éloigné de l'académisme. J'ai sur mes étagères "Nord", que je n'ai pas lu et que rechigne un peu à commencer. Faudrait bien que je m'y mette ... PS : Merci de m'avoir fourni l'adresse d'un "fury room", mais bon, je ne dois pas aller à Paris ces jours prochains. Bien amicalement. A plus. Florentin

    RépondreSupprimer
  2. Tu me donnes ainsi envie de relire Céline.
    Il y a longtemps
    j'avais lu Voyage au bout de la nuit, qui m'avait scotché.
    Et puis cette réputation plus que sulfureuse du Dr Destouches
    m'avait freiné dans mes ardeurs de lecteur.
    Il y a eu tellement de bons écrivains qui ont eu des prises de position
    plus que critiquables au moment de la guerre (ex Brasillach!)
    que c'est difficile de s'y replonger...
    Voir le cas de Martin Heidegger que j'apprécie beaucoup
    en tant que philosophe, mais ses "Carnets noirs" nous interrogent...!
    Amitié, Bon week end,

    JPS

    RépondreSupprimer
  3. Évidemment, c'est assez différent de Chateaubriand, avec qui j'ai passé l'hiver, mais quel style ! Le Voyage au bout de la nuit est resté définitivement gravé dans ma mémoire.

    Très belle journée, presque d'été.....

    JF

    RépondreSupprimer