dimanche 21 juin 2015

VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT (1932) - Louis-Ferdinand CELINE - France - FolioPlus/classiques

LE CHOC !
Mea Culpa...
Regrets de découvrir, si tard dans ma vie, une telle œuvre !
Pourquoi ?
Un a priori irréfléchi en raison de la réputation sulfureuse de Céline (son antisémitisme, son soutien à l'Allemagne nazie,...)
Il fallait, cela me parait maintenant tellement évident, oublier l'homme et s'intéresser au génial écrivain, l'auteur français le plus traduit dans le monde après Proust !
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"Voyage au bout de la nuit", publié en 1932 avec un succés immédiat, est une véritable descente aux enfers, au cœur de la souffrance et de la misère de l'homme...
Le roman d'une extrême noirceur, désespéré même, terriblement lucide, mais où affleurent aussi l'émotion et parfois le comique, dénonce avec force toutes les injustices, les tares et les aliénations de la société.
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Au cours de son périple Ferdinand Bardamu, double littéraire de Céline, va se retrouver successivement aux prises avec...
L'horreur des champs de bataille de la Grande Guerre,
Le colonialisme en Afrique,
Le capitalisme en Amérique,
La précarité de la vie des habitants d'une commune de banlieue où il exerce la médecine.
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Au tout début on est un peu surpris par le style : simplicité des mots (voire de l'argot) et toute la vie, l'émotion spontanée du langage de tous les jours :
 « Ce qui m'intéresse chez lui, c'est surtout l'usage très judicieux, efficace qu'il fait de cette langue entièrement artificielle — entièrement littéraire — qu'il a tirée de la langue parlée. » (Julien Gracq)
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EXTRAITS
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 "De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c'est de mots...
 J'étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C'est que je ne connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu'ils disent, à ce qu'ils pensent. C'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur, toujours." 
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"Quand on a pas d'imagination, mourir, c'est peu de chose, quand on en a, mourir c'est trop."
xxx 
 
"D'ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d'une seule journée bien ordinaire désirent votre pauvre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n'en ont pas, tous ceux qui voudraient que vous ayez achevé de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d'autres. C'est incessant. On s'y fait."
xxx
 
"Faire confiance aux hommes c'est déjà se faire tuer un peu."
xxx
 
"La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde, c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi."
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"La beauté, c'est comme l'alcool ou le confort, on s'y habitue, on n'y fait plus attention."
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"On n'est jamais très mécontent qu'un adulte s'en aille, ça fait toujours une vache de moins sur la terre, qu'on se dit, tandis que pour un enfant, c'est tout de même moins sûr. Il y a l'avenir." 
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"A-t-on jamais vu personne descendre en enfer pour remplacer un autre ? Jamais. On l'y voit l'y faire descendre. C'est tout."
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"La vie c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit."
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"Être seul c'est s'entraîner à la mort."
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" Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment, ils ont l'air de rien les mots, pas l'air de dangers bien sûr, plutôt de petits vents, de petits sons de bouche, ni chauds, ni froids, et facilement repris dès qu'ils arrivent par l'oreille par l'énorme ennui gris mou du cerveau. On ne se méfie pas d'eux des mots et le malheur arrive.
Des mots, il y en a des cachés parmi les autres, comme des cailloux. On les reconnaît pas spécialement et puis les voilà qui vous font trembler pourtant toute la vie qu'on possède, et tout entière, et dans son faible et dans son fort... C'est la panique alors... Une avalanche... On en reste là comme un pendu, au-dessus des émotions... C'est une tempête qui est arrivée, qui est passée, bien trop forte pour vous, si violente qu'on l'aurait jamais crue possible rien qu'avec des sentiments... Donc, on ne se méfie jamais assez des mots, c'est ma conclusion. "
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 ICI Fabrice Lucchini (filmé par Benoit Jacquot) lit des extraits du "Voyage".

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Louis-Ferdinand Destouches
dit
Louis-Ferdinand Céline
(1894-1961)
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Ecrivain et Médecin
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Parmi ses œuvres :
Mort à Crédit (1936)
Guignol's band (1944)
D'un Château à l'Autre (1957)
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4 commentaires:

  1. Merci pour ta note complète et enthousiaste!
    J'avais lu ce livre il y a plus de vingt ans dans une édition de 1933 que j'ai toujours.
    Son style et son écriture "brute de décoffrage" - en apparence - m'ont laissé une très forte impression.
    Comme tu le dis, la réputation sulfureuse du Dr Destouches a mis un frein à mon désir de relecture, mais ta note et les années qui ont passé depuis mon premier contact m'incitent à m'y replonger, toujours dans cette vieille édition où les pages ont été découpées une à une.
    Amitié

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  2. J'ai lu plusieurs ouvrages de Céline. Mais, il ya s si longtemps que je ne saurais en donner un avis argumenté aujourd'hui. Je me souviens de l'atmosphère ultra-noire de son monde. Mais, c'est tout. Et je crois que je ne m'y remettrai pas. Trop longs, ses romans. Et puis, il y a tellement d'autres choses à lire ...

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    1. Je ne connais pas les autres romans de Céline...Mais du moins "Le Voyage..." est pour moi un livre "immense", un chef-d'oeuvre...

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  3. Excellent papier, en effet, avec un choix très juste de citations. J'ai ressenti les choses exactement de cette façon, fasciné par un style unique, la puissance de la narration, la lucidité désabusée et aussi, parfois, quelques belles touches d'amour et d'humanité. En tout cas, le Voyage, que j'ai découvert il y a peu, ne m'était pas tombé des mains, et je pense le relire assez vite.
    Avec toutes mes amitiés
    JF

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