samedi 25 avril 2015

PATRIMOINE Une histoire vraie (1991) - Philip ROTH - Etats-Unis

Ce qui me frappe avant tout, à la lecture de "Patrimoine", c'est l'extrême sensibilité qui s'en dégage...
Une sensibilité insoupçonnée et presque incroyable chez l'auteur de "Portnoy et son complexe"...
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"Patrimoine" c'est la terrible, cruelle et bouleversante relation des derniers mois de la vie d'Herman, le père Philip Roth, atteint d'une tumeur au cerveau...
Pendant de longs mois il va accompagner le vieil homme, jusqu'à s'identifier à lui, dans sa lutte  contre la maladie, la mort...
Un magnifique témoignage d'amour !
Au fil des souvenirs c'est aussi toute l'histoire d'une famille d'immigrants juifs qui est évoquée...
Inoubliable !
(Très belle traduction de Patrick Gador et Maurice Rambaud)
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"Mon Philip dit Bill, et me prenant la main, il la garda dans la sienne....Si Bill me tenait la main, ce n'était pas parce qu'il croyait que j'avais encore sept ans, mais parce que me connaissant depuis l'époque de mes sept ans, peu importait l'âge que j'avais maintenant, il avait le droit de me tenir la main."
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"Ainsi s'arrangea-t-il pour ne pas s'appesantir sur sa tumeur, parlant plutôt de ceux qui étaient morts depuis longtemps, et des mourants, et de ceux qui parmi ses amis auraient mieux fait de mourir."
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"Je lui trouve une force stupéfiante. Mais ce qui alimente cette force, c'est aussi ce qui rend la situation tellement horrible : il ne veut surtout pas mourir."
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"On ne doit rien oublier, voilà la devise qui figure sur son blason. Être vivant, pour lui, c'est être fait de mémoire : pour lui, si un homme n'est pas fait de mémoire, il n'est fait de rien."
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"..il n'était pas simplement un père quelconque, il était LE père, avec tout ce qui chez un père suscite la haine, et tout ce qui suscite l'amour."
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"Même les salauds finissent par mourir dit mon père. A peu près la seule chose qu'on puisse mettre au crédit de la mort : elle fauche aussi les fils de putes."
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"Mourir est quelque chose d'horrible, et mon père était en train de mourir. Je lui pris la main qui, elle au moins, donnait encore l'impression d'être sa main ; je lui caressai le front qui lui, au moins, donnait encore l'impression d'être son front ; et je lui dis toutes sortes de choses qu'il n'était plus en mesure de comprendre. Heureusement, il n'y avait dans ce que je lui dis au cours de cette matinée rien qu'il ne sût déjà."
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"Le rêve m'informait que, sinon dans mes livres ou dans ma vie, du moins dans mes rêves, je resterais à jamais son petit garçon, avec la conscience d'un petit garçon, de même que lui continuerait à y vivre non seulement comme mon père, mais comme LE  père, et à juger tous les actes que j'accomplirais.
On ne doit rien oublier."
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Philip Roth
né en 1933 à Newark
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Parmi ses nombreuses œuvres :
Portnoy et son complexe (1969)
Le Théatre de Sabbath (1995)
La Pastorale américaine (1999)
La Tache (2000)
Némésis (2010)
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Lors d'une interview donnée au magazine Inrocks en octobre 2012, il annonce que Némésis sera son dernier roman :
"Écrire, c’est avoir tout le temps tort. Tous vos brouillons racontent l’histoire de vos échecs. Je n’ai plus l’énergie de la frustration, plus la force de m’y confronter. Car écrire, c’est être frustré : on passe son temps à écrire le mauvais mot, la mauvaise phrase, la mauvaise histoire. On se trompe sans cesse, on échoue sans cesse, et on doit vivre ainsi dans une frustration perpétuelle. On passe son temps à se dire : ça, ça ne va pas, il faut recommencer ; ça, ça ne va pas non plus, et on recommence. Je suis fatigué de tout ce travail. Je traverse un temps différent de ma vie : j’ai perdu toute forme de fanatisme. Et je n’en ressens aucune mélancolie."
Espérons qu'il changera d'avis !
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Sa définition d'un lecteur idéal :
"Dans mon pays, je n'ai pas 100 000 lecteurs parce qu'il n'y a pas 100 000 lecteurs, concentrés, attentifs, qui lisent un roman deux à trois heures par nuit, trois nuits par semaine au moins. Ce qui s'appelle lire. Car si ça traîne des semaines, la concentration s'évapore et c'est fichu. Un lecteur, c'est quelqu'un qui peut en parler autour de lui, qui est capable de tout mettre de côté pour rentrer chez lui afin de poursuivre sa lecture et qui ne fait rien d'autre pendant qu'il lit".
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2 commentaires:

  1. J'ai retrouvé Pastorale américaine dans mon fouillis mais je ne l'ai pas encore lu. Voila une excellente incitation à le faire !

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  2. Le nom m'est familier, mais je ne crois pas avoir jamais un livre de cet auteur. Dans le genre, je viens de finir "Maman est morte" de Gilles Leroy, un émouvant hommage à sa mère, morte relativement jeune d'un cancer récidivant. Des pages à chialer. Et du neuf pour moi. Je n'ai pas connu ma mère, décédée, éloignée de moi, alors que j'avais cinq ans. En ce temps-là, on mourrait encore de la tuberculose...

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