lundi 8 mai 2017

EUGENE ONEGUINE (1833) - Alexandre POUCHKINE (1797-1837) - traduction de Jean-Louis BACKES - Folio classique n°2796

Si je connais bien l'opéra de Tchaïkovski que j'ai entendu dans de multiples versions (voir notamment ICI), j'ai, jusqu'à ce jour, quelque peu négligé (sans doute par crainte d'être déçu..) le "roman en vers" de Pouchkine...
Négligence réparée !
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Je me suis donc décidé (et je ne l'ai pas regretté...) à me plonger dans ce texte magnifique qui a inspiré Tchaïkovski pour le livret de son opéra...
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Présentation du livre par l'éditeur :

""Le plus célèbre roman de la littérature russe, et qui a produit un chef-d'œuvre de l'opéra, était d'abord un poème, en strophes rimées. L'auteur y a mis sa vie - et sa mort. L'héroïne, Tatiana, tombe amoureuse d'un héros byronien, qui tue en duel le fiancé de la sœur de celle-ci. Les années passent, Onéguine revient, découvre qu'il aime passionnément Tatiana, maintenant mariée ; elle l'aime aussi ; que choisira-t-elle? "Et le bonheur était si proche, si possible" chante Pouchkine...
C'est le roman des rencontres manquées, des amours perdues, des remords sanglants. C'est aussi, comme dit Nabokov, "une des œuvres les plus brillantes jamais composées, un classique international aussi grand que Hamlet, ou Moby Dick".""
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Le traducteur Jean-Louis Backès précise qu'il a voulu respecter la structure des vers de Pouchkine afin de rester le plus proche possible de l’œuvre originale :
"J'ai choisi le rythme et oublié la rime."
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Il existe d'autres traductions, notamment celle en vers rimés de André Markowiecz (Actes Sud - Babel n°924)
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Quelques extraits...
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"Mon oncle a d'excellents principes.
Depuis qu'il se sent mal en point,
Il exige qu'on le respecte.
L'idée est bonne, assurément !
Et l'exemple sera suivi.
Mais, Seigneur Dieu, quelle corvée !
Rester au chevet d'un malade
Nuit et jour sans pouvoir bouger !
Et quelle vile hypocrisie !
On fait risette à un mourant,
On redresse ses oreillers,
On arbore un air lamentable
Pour lui apporter sa potion ;
Et l'on pense : qu'il aille au diable !
"

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"On nous a instruits, cultivés,
Polis. Qu'y avons-nous gagné ?
Un air affecté, et c'est tout."

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"En vérité
Je t'ai reconnu tout de suite.
Ce fut en moi un froid, un feu,
Et dans mon cœur, j'ai dit : c'est lui !"

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"Notre mariage (croyez-moi,
Je suis franc) sera un enfer.
Quel que soit mon amour pour vous,
L'habitude en viendra à bout."

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"L'habitude est un don du ciel,
Qui fait office de bonheur"

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Scène-clé tant dans le roman que dans l'opéra : le duel entre Onéguine et son ami Lenski, le jeune poète (Tout comme Lenski, Pouchkine est mort à la suite d'un duel) ...
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"Les deux ennemis attendaient.
Ennemis ? Mais qui les oppose ?
Depuis quand ont-ils soif de sang ?
Ils avaient en commun naguère
Divertissements, table, affaires,
Pensées. Maintenant on dirait
Des ennemis héréditaires.
C'est comme un affreux cauchemar.
Chacun d'eux, sans le dire, pense
De sang-froid à la mort de l'autre.
S'ils pouvaient éclater de rire
Et se séparer bons amis
Avant que leurs mains ne soient rouges..."
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"Sur sa poitrine la blessure
Est franche ; le sang coule encore.
Il y a juste une seconde
Un cœur battait là, plein d'ardeur,
De haine, d'amour, d'espérance,
Plein de sang, de vie ; maintenant
On dirait une maison vide."

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"Mais il est triste de se dire
Qu'on a gaspillé sa jeunesse,
Qu'on l'a trahie à chaque instant
Et qu'elle nous l'a bien rendu,
Que les meilleurs de nos désirs,
Que les plus pures rêveries
Sont allés à la pourriture
Comme les feuilles de l'automne."

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"Et le bonheur était si proche,
Si possible... Mais le destin
A tranché...."

 
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Alexandre Pouchkine
(1799-1837)

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Poète (Rouslan et Ludmila, poème épique en 1920,
mis en opéra par Glinka)
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Dramaturge (Boris Godounov en 1825, mis en opéra par Moussorgski)
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Romancier (La Fille du Capitaine
en 1836)
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voir Wikipédia

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2 commentaires:

  1. Magnifique texte, sans nul doute, et tout dépend beaucoup de la traduction. Il faudrait le lire en bilingue,
    à condition d'avoir des connaissances en russe, ce qui est plus difficile...
    Bravo pour ton courage d'approfondir ainsi Eugène Onéguine!
    Amitié

    JPS

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  2. Très intéressant éclairage en effet. L'Opéra de Lyon a eu la bonne idée, il y a quelques années, de mettre à l'affiche la "trilogie Pouchkine", La Dame de Pique, Eugène Onéguine et Mazeppa, en incluant les textes originaux de Pouchkine dans le programme.

    Pour continuer avec cet auteur, il faut lire Le Nègre de Pierre le Grand, un court récit dans lequel il raconte l'histoire de son aieul.

    Il conviendrait de rappeler plus souvent aux Russes et à ceux qui les gouvernent que leur grand poète national avait un quart de sang noir et que leur plus illustre musicien était homosexuel. Mais je doute que cela suffise à les calmer.

    JF

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